La matière dans tous ses états
A très basse température, on constate un comportement original de certaines particules : elles se comportent collectivement comme un seul homme.
Ce serait le cinquième état de la matière.
Phénomène prédit
En mécanique quantique, les fermions ont un spin demi-entier alors que les bosons présentent un spin entier. Le principe d'exclusion de Pauli interdit à deux particules de spin ½ ─les fermions─ d'être dans le même état. Par contre, lorsque nous avons affaire à des particules de spin entier ─les bosons─, elles deviennent indiscernables lorsqu'ils sont dans leur état quantique fondamental, de basse énergie et présentent un comportement collectif.
La matière ordinaire est souvent composée de fermions, c'est le spin total qui va décider de la nature. Par exemple, le lithium-6 est un fermion alors que l’isotope 7 est un boson. Le lithium 6 est formé par 3 protons, 3 neutrons et 3 électrons, chacune de ces particules ayant un spin ½. Comme le nombre total de particules (3+3+3=9) est impair, on obtient un spin total demi-entier. En revanche le lithium 7 est composé de 3 protons, 4 neutrons et 3 électrons ; avec un nombre total de particules égal à 10, son spin total est un entier, c'est un boson.
Si on refroidit drastiquement des bosons près du zéro absolu, alors ils se placent dans un état quantique fondamental et deviennent indiscernables: c'est le condensat de Bose-Einstein.
Einstein avait généralisé les travaux de Böse à tous les bosons, et prédit cet état en 1924.
L’origine de la condensation de Bose-Einstein réside dans l’indiscernabilité des particules. Grâce à elle, les configurations où plusieurs particules occupent un même état peuvent se produire avec une probabilité importante.
Prenons un exemple avec 3 particules à répartir dans 2 boites. En mécanique statistique, il faut dénombrer les configurations possibles. Avec des particules discernables, que l'on peut numéroter 1, 2 et 3, alors nous avons 8 configurations possibles :

Chacune des configurations a une probabilité d'arriver d'1/8. L'état condensé est le cas où toutes les particules sont dans la même boite, ici cela arrive 2 fois sur 8, une probabilité ¼.
Si les particules sont indiscernables, plus de numérotation, il ne reste que 4 cas :

Et du coup, la probabilité de trouver un état condensé devient ½, 2 fois sur 4. Généralisé à un grand nombre de particules, la probabilité d'observer un état condensé augmente de manière spectaculaire, c'est le condensat de Bose-Einstein.
- Les condensats de Bose-Einstein Jean Dalibard
Observations
Le premier condensat de Bose-Einstein a été observé en 1995. Il s'agissait de quelques milliers d’atomes de rubidium pré-refroidis par laser, puis refroidis plus avant par « évaporation » dans un piège magnétique à 100 nK.
À gauche, le nuage d’atomes est encore relativement chaud, la dispersion des vitesses atomiques est grande, et le condensat ne s’est pas formé. Au centre, on observe la superposition du condensat (pic étroit au centre) et d’un piédestal correspondant aux atomes plus énergétiques, non condensés. Sur l’image de droite, le refroidissement a été suffisamment fort pour que pratiquement tous les atomes soient condensés.
On se doutait que l'hélium-4 avait probablement ce genre de comportement car il devient superfluide en dessous de 2.2 K.
Les particules d'un condensat se comportent comme une onde cohérente, avec la panoplie d'effets qui vont avec comme les interférences. Le seul effet identique connu est le laser, et ses photons ─des bosons─ cohérents.
Là où ça devient nettement plus drôle sont les effets "mécaniques" quand on s'intéresse à la vitesse et à la rotation du condensat. A priori, un condensat ne peut pas effectuer une rotation car il s'agit d'une onde qui contraint les vitesses. Mais en fait on peut y arriver car des vortex (ou tourbillons quantiques) se forment, tous de même taille et dépendants de la constante de Planck.
En 2020, un condensat a été observé pendant une seconde (un record, c'est quelques dizaines de millisecondes sur Terre) au sein du Cold Atom Laboratory embarqué dans la station spatiale, donc en microgravité.
L'intérêt principal des condensats de Bose-Einstein est de pouvoir observer des situations particulièrement simples pour nous aider à comprendre comment marche la mécanique quantique.
Je vous invite à continuer avec la superfluidité, que l'on a commencé à sentir venir avec l'histoire des vortex.