Horizon et Platistes
A quelle distance se situe l'horizon ? Ceux qui pensent que la Terre est plate vont avoir du mal à avaler ça...
Nous partons du principe que la propagation des rayons lumineux se fait en ligne droite. On verra plus tard qu'il existe un phénomène de réfraction qui courbe ces rayons, mais c'est du second ordre.
Matériel de mesure
Nous voyons la tour Eiffel située non loin de là.
Nous sommes sur Terre débarrassée des montagnes et autres constructions, à part la tour Eiffel. Nous la voyons sous un certain angle, entre le pied et l'antenne.
Si nous nous éloignons, la taille apparente de la tour Eiffel diminue, ainsi que l'angle sous lequel on voit son sommet.
Si on s'éloigne beaucoup, on aura du mal à bien voir l'antenne au sommet car elle devient trop petite. Nos yeux n'ont pas la résolution suffisante pour la distinguer car notre acuité visuelle est limité à environ 1 minute d'angle.
À quelle distance voit-on un objet d'un mètre sous une minute d'angle ?
C'est 1 m / tg(1') soit 3.4 km
Qu'à ne cela tienne. Avec une lunette ayant un grossissement de 10, et bien on verra 10 fois plus gros et notre antenne redevient visible. De plus, on peut mettre un rapporteur sur la lunette pour mesurer les angles.
On peut alors définir une horizontale, qui est à angle droit avec la verticale locale que l'on peut repérer avec un fil à plomb. Cette ligne horizontale nous sert de référence.
Nous savons observer un objet distant et mesurer un angle avec l'horizontale.
Que se passe-t-il si la distance à l'objet augmente beaucoup ?
Terreplatiste
Pour rappel, un Platiste ou Terreplatiste ? est une personne qui pense que la Terre est plate. Perso, je la préfère pétillante que plate.
Que voit un Platiste quand la tour Eiffel est de plus en plus loin ?
Nous avons déjà un élément de réponse quand on place la lunette au ras du sol, à l'altitude zéro. À ce moment-là, l'horizon est forcément à l'horizontale normal avec un nom pareil .
L'observateur au sol, il est toujours en dessous de la tour Eiffel qui est posée également au sol horizontal et comme sa taille apparente diminue avec la distance, et bien à l'infini, le haut de la tour Eiffel se confond avec l'horizon.
L'angle de visée avec l'antenne de la tour Eiffel est donné uniquement par la hauteur et la distance à laquelle elle se situe [ arctan (h/d) ]
À l'infini, cet angle devient nul, la tour Eiffel se confond avec l'horizontale.
Que se passe-t-il si on observe en altitude, par exemple bien au-dessus de la taille de la tour Eiffel ?
Cette fois, nous sommes toujours au-dessus de la tour Eiffel, c'est facile à comprendre puisque la Terre est plate (et c'est vrai sur une Terre ronde sur une courte distance, d'ailleurs).
Quelle que soit l'altitude. Ce qui est amusant, du reste.
En supposant la Terre infinie, l'horizon se situe encore à l'horizontale. Et forcément, car il ne peut pas y avoir un angle non nul pour des considérations de référence (et quelque part de symétrie), il aurait alors quelle valeur ?
et il existera un angle non nul par rapport à l'horizontale.
Eh bien on observera un angle non nul si la Terre n'est pas infinie, ce qui est le cas même pour une Terre plate. Tout simplement parce qu'il suffit de monter suffisamment en altitude pour "voir le bord du monde". La valeur est évidente à calculer par simple trigonométrie et ne dépend que de l'altitude et de la distance au bord.
Ce n'est pas ce qu'on observe.
Sur une Terre plate, les objets sont toujours entièrement visibles.
Sur le globe terrestre, les objets "disparaissent en dessous de l'horizon". On ne voit plus les pieds, puis le corps et c'est le haut qui finit par disparaitre.
Elles disparaissent petit à petit, le pied en premier, le sommet en dernier.
Comme pour les voiliers où la coque disparait avant les voiles.
La Terre est ronde
La rotondité de la Terre explique facilement ce phénomène.
La coque du galion b n'est plus visible, il est derrière l'horizon
Le haut des voiles du galion c sont encore visibles
Nous pouvons recommencer les mêmes expériences pour savoir où se situe l'horizon par rapport à l'horizontale sur une planète ronde.
Sur le principe, c'est simplet. On place notre lunette à une certaine altitude, et on vise l'horizon avec. Cela nous donne l'angle avec l'horizontale. Mais c'est d'un intérêt relatif car on connait le rayon de la Terre, et la relation entre l'altitude et la distance à l'horizon est celle d'un triangle rectangle.
Du Pythagore bête et méchant.
Au sol, à une altitude nulle, au niveau de la mer, est la situation la plus compliquée : on ne voit pas l'horizon car c'est la tangente au point où on est. C'est la seule altitude où l'horizon est à l'horizontale, comme pour la Terre plate...
Du coup, en se mettant à une altitude suffisante, si on vise l'horizon et qu'il existe un angle avec l'horizontale, alors c'est que nous sommes sur un globe. Ou une Terre plate pas infinie.
Pour mesurer un degré d'angle sur Terre, il faut se placer à une altitude de 971 mètres. Ce qui doit être mesurable si on se trouve en altitude et que l'on voit la mer.
Si on est sur une Terre plate, c'est le bord du monde qui sera vu. Et alors il ne sera pas très loin...
Calculateur d'horizon
Ci-dessous, je vous propose un calculateur utilisant le théorème de Pythagore. Remplissez l'altitude ou la distance, et vous aurez l'autre valeur, valable pour la Terre et son rayon de 6 378 km.
Si vous habitez au bord de l'océan, il faudra estimer la hauteur de vos yeux par rapport au niveau moyen de la mer, ce qui n'est pas évident vu que les marées peuvent parfois présenter un marnage important, autrement dit une différence de 5 à 6 mètres entre marée basse et marée haute, le record se situant à une quinzaine de mètres.
Vous serez alors intéressé à ajouter ou soustraire quelques mètres à votre altitude pour évaluer l'erreur produite. Voici un exemple :
- 1.7 m au bord de la mer ⇨ 4.6 km
mais si vous êtes couché au bord de la plage, à 20 cm du sable, l'horizon se limitera à 1,5 km, et vous serez gêné par les vagues... - à 16 m d'altitude, on peut être entre 13 et 19 m (par exemple) suivant la marée ⇨ horizon entre 12 et 16 km (environ)
- Une bonne centaine de kilomètres depuis la tour Burj Khalifa
- En avion, à 10 km d'altitude ⇨ horizon à 357 km
Horizon pas net, reste à la buvette. proverbe marin
Il existe un truc pas net dans l'utilisation simple de Pythagore : la distance réelle est en fait l'arc de cercle, comme si on marchait sur la Terre, et non le trajet direct des rayons lumineux.
On calcule alors l'angle pour obtenir la longueur de l'arc de cercle,
et le résultat en supposant h petit devant le rayon terrestre est :
s = 3.57 √h avec s en km et h en mètres
mais là, on pinaille. C'est bien expliqué ici :
- Distance to the horizon / www.johngiovannis.com
Il attaque aussi le problème de la réfraction.
Effet de la réfraction
Les rayons lumineux ne vont pas forcément en ligne droite, surtout si la densité de l'air varie, ce qui arrive quand on traverse totalement l'atmosphère depuis l'espace, ou si un gradient de température existe au niveau du sol, et cela dépendra aussi du taux d'humidité, etc... Souvenez-vous des mirages.
La réfraction atmosphérique courbe les rayons lumineux, ainsi que les ondes radar, et de manière différente suivant la longueur d'onde, ce qui complique notablement les choses.
Cas du lever/coucher de soleil
Lorsque le rayon lumineux traverse la totalité de l'atmosphère terrestre, dont la densité augmente beaucoup avec la diminution de l'altitude, la réfraction fait que le soleil se couche (et se lève) quelques minutes plus tard (plus tôt) que le calcul théorique en ligne droite.
mais la réfraction atmosphérique le fait passer au-dessus. Et le déforme.
Un petit angle d'environ 32 minutes d'arc vient s'ajouter. Et les couches ne sont pas si homogènes, ce qui déforme notablement le soleil.
Accessoirement, ça marcherait différemment sur une Terre plate.
Mirage au sol
Il est connu que la température diminue avec l'altitude, c'est ce qu'on observe en montagne. Du coup, il existe une réfraction atmosphérique qui peut parfois être importante sous certaines conditions.
Les calculs sont un peu pénibles, vous les trouverez de-ci, de-là sur Internet
avec plus ou moins de précision, et en pratique on retiendra la formule
simple suivante :
s = 3.83 √h avec s en km et h en mètres
qui est finalement une correction de la formule de base, un pourcentage à ajouter,
ici on passe de 3.57 à 3.83, soit 7% de rab, une valeur (basse) communément admise.
Notez que plus loin, j'utiliserai une formule exacte dans mon calculateur, en intégrant un paramètre pour la réfraction qui revient à modifier le rayon de la Terre.
Calculateur de visibilité
C'est intéressant de savoir à peu près à quelle distance se situe l'horizon, cela permet d'évaluer la distance d'un bateau suivant que l'on voit sa coque ou non.
Mais bon, la plupart du temps, on aimerait plutôt savoir si on peut voir une autre structure au-delà de l'horizon, par exemple si on voit le Mont-Blanc depuis la tour Eiffel. Et c'est très mal barré.
Il s'agit donc de composer avec deux altitudes et une distance entre les deux lieux, c'est juste deux fois le cas précédent, en faisant la somme.
Vous pourrez choisir le taux de réfraction atmosphérique afin d'évaluer quel serait le taux à avoir pour certains cas que vous voudriez étudier. Ainsi que la planète, mais c'est surtout par curiosité.
Cliquer sur les flèches pour les décimales
Vous pouvez changer de planète ! (Planète Géante est celle du livre de Jack Vance)
Et modifier la correction pour la réfraction.
Le calculateur vous donne la valeur du troisième paramètre pour que ça marche. Par exemple :
- Le Mont-Blanc est à 4807 m pour les vieux d'altitude.
La tour Eiffel fait 300 m de haut. La distance réelle entre les deux est de 477 km.
La distance (maximale) pour voir le Mont-Blanc (en supposant aucun autre obstacle sur la trajectoire) est de :
- 309 km à réfraction nulle
- 339 km avec 17% de réfraction
- Il faudrait 58% de réfraction pour l'apercevoir à 477 km !
- Sur la Lune, il suffit que deux astronautes d'1.8 m soient séparés de 5 km pour qu'ils se perdent de vue. Aldrin a dû dire à Armstrong de ne pas trop s'éloigner...
S'il y a du brouillard, un obstacle quelconque sur la trajectoire, ou simplement l'atmosphère qui n'est pas totalement transparente pour les grandes distances, bien sûr que ça marchera moins bien.
Mais mon calculateur est vraiment petit joueur à côté de cette extraordinaire composition de Walter Bislin
Advanced Earth Curvature Calculator
parce qu'en plus il montre ce que l'on verrait avec nos petits yeux ou un appareil photo.
Et il donne les calculs (que j'ai récupérés).
Le seul reproche pourrait être d'être trop complète, et du coup compliquée, malgré le "basic mode".
Quelques cas particuliers
Les phares de l'île de Ré
depuis les Sables d'Olonne
Nous avons plusieurs phares sur l'île de Ré (les distances sont celles depuis le phare de l'Armandèche aux Sables d'Olonne) :
- Le phare des Baleines : 57 m (ampoule 53 m) à 33 km (4 éclats / 15 s)
- Le phare des Baleineaux : 32 m à 30 km (2 éclats / 6 s)
- Le phare de Chauveau : 30.7 m (27.3 m) à 55 km
- Les autres phares sont trop petits ou inactifs.
Le phare des Baleines, quasi dans l'axe des Baleineaux depuis l'Armandèche, est visible avec une hauteur minimale de :
- 3.5 m avec une réfraction nulle
- 1.1 m avec 17% de réfraction
La base du phare de l'Armandèche est à 6.4 m au-dessus de la mer, la jetée des Sables est à 4-5 mètres, mais sur la plage, à hauteur d'homme, ça peut être limite. À marée basse, avec 4 ou 5 mètres de moins, tout le haut du phare devient visible. La nuit, on voit la lumière du phare, la visibilité est nettement plus facile, on n'a pas à voir le bâtiment du phare, uniquement l'éclairage.
Le phare des Baleineaux est visible avec une hauteur minimale de :
- 11 m avec une réfraction nulle
- 6.8 m avec 17% de réfraction
Le phare des Baleineaux, proche en visée du phare des Baleines, doit être visible en conditions favorables.
La taille visible du phare indique que l'on a une réfraction normale à médium.
Ce qui fait penser qu'en bas du phare à droite, c'est peut-être le phare des Baleineaux, en limite de visibilité.
Le phare de Chauveau (en bas à droite de l'île) n'est pas visible, plus petit et plus éloigné, il faudrait beaucoup s'élever, dans les 70 mètres au minimum.
L'ile d'Yeu depuis St Jean-de-Monts
À St Jean-de-Monts :
Quand on voit l'île d'Yeu, c'est qu'il va pleuvoir.
Quand on ne la voit plus, c'est qu'il pleut déjà.
Vieil adage quand je passais mes vacances là-bas. Et qui est probablement responsable de la visibilité suivant les conditions atmosphériques...
L'île d'Yeu culmine à 25 m et occupe un angle de 24º à 23 km, distance où se situe St Jean-de-Monts. Pour apercevoir juste le haut, il faudrait se situer à une hauteur de 2.0 m avec une réfraction nulle.
Cela veut dire qu'il suffit d'un peu d'aide avec la réfraction atmosphérique, 17%, pour voir tout ce qui est au-dessus de 20 m. En s'élevant un petit peu, une dizaine de mètres, on voit l'île d'Yeu relativement facilement, pour peu que le temps soit beau.
https://www.auxbulles.com/voyages-vendee_ile_d_yeu.html
Les Sables d'Olonne se situe à plus de 45 km : même du haut du phare d'Armandèche, on aura trop de mal à l'apercevoir.
La Corse depuis Nice
Le mont Cinto culmine à 2710 m, et se situe à environ 200 km de la Côte d'Azur. Il est donc visible avec une toute petite aide de la réfraction, ou simplement en s'élevant d'une dizaine de mètres par rapport à la mer, ce qui est facile à Nice.
La réfraction aidant, on peut apercevoir la Corse depuis Nice ou Cagnes, et plus particulièrement en janvier-février où les conditions atmosphériques sont favorables.
Le Canigou depuis Marseille
Deux fois par an, les 12 février et 29 octobre, le soleil se couche exactement dans l'azimut du Canigou, 2783 m dans les Pyrénées, vu depuis les environs de Marseille, situé à 263 km.
Il faut se situer à plus de 200 m d'altitude avec une réfraction à 17% pour l'apercevoir et faire des photos démoniaques. Avec un peu chance côté conditions atmosphériques, on pourra voir des parties à plus faible altitude.
Allauch est à 300 m d'altitude, on peut voir des détails jusqu'à 2500 m, on en déduit une réfraction à 17%, relativement standard.
C'est très bien illustré sur la page Le CANIGOU en quelques dessins où la situation est bien décortiquée.
Maintenant vous en savez assez pour déterminer si on peut voir ou non un objet lointain sur Terre. Ou sur la Lune.