Le quantique

La bombe d'Elitzur-Vaidman

Ou comment détecter si une bombe est en rade ou fonctionnelle.

L'ennui, avec les bombes, c'est que le test est destructeur : si elle marche, elle pètera, et c'est gênant !

Ici, on arrive à tester sans les détruire. Comment arrive-t-on à ce petit miracle ?

Je vous fais une version simple, mais vous trouverez beaucoup de gens qui vous expliquent ça de manière compliquée, avec équation plus formulation quantique. Alors que c'est assez simple en fait.

Imaginez une bombe munie d'un miroir. Si un (seul et unique) photon arrive sur le miroir, il "pousse" le miroir, ce qui fait détoner la bombe. Mais parfois, le mécanisme détonateur ne marche pas : la bombe ne pète pas, et le photon est réfléchi.

Bombe à miroir
Elles ne marchent pas toujours, vos bombes !
Comment faire le tri des bonnes bombes et des mauvaises bombes ?
Ben il suffit de les essayer : on éclaire.
Si on fait comme ça, on est sûr qu'on pètera toutes les bonnes bombes.
C'est con.

Donc on a voulu faire les malins avec l'interféromètre de Mach-Zehnder. Mais si, on a vu ça au début, rappelez-vous :

rappel Mach-Zehnder

On envoie un photon, et on observe la réponse sur D1/D2. Si on ajuste correctement le montage, avec un chemin optique tel que l'on ait un déphasage nul qui provoque des interférences constructrices sur D2 (par exemple) et destructrices sur D1 (donc rien). Et si jamais on retire le miroir M1, alors il se comporte comme une particule, et du coup, s'il passe par M2, alors il fait fifty-fifty sur Lout.

Rien de bien sorcier jusqu'ici.

Voyons ce qui arrive si on met la bombe à la place de M1 par exemple.

bombe en M1
On s'est arrangé pour que le détecteur D2 se déclenche quand on a une réflexion
= c'est une mauvaise bombe.

Jusque-là, rien de bien malin. Les mauvaises bombes, on les reconnait toujours vu qu'elles ne pètent pas. Le photon s'est comporté comme une onde, comme prévu.

C'est plus subtil avec une vraie bombe qui marche : lorsque le photon arrive sur la bombe, alors elle pète. Ce qui brise le chemin optique. Le photon n'a alors plus le choix : il devra se comporter comme une particule, et du coup, il devra passer d'un côté ou de l'autre, mais pas les deux.

vraie bombe en M1
C'était une vraie bombe !

C'est comme si notre photon avait deviné à l'avance que c'était une vraie bombe, et donc que le chemin optique par ce côté-là serait détruit, et donc qu'il ne pourrait pas faire d'interférence. Donc il devient une particule, et si on le détecte en D1, c'est qu'il n'est pas allé sur la bombe, forcément, et donc celle-ci n'aura pas explosée. Si c'est sur D2, on ne conclura rien.

Mais il ne devine pas systématiquement qu'il y a une vraie bombe. Il a en fait une chance sur deux d'y aller après Lin, puisque c'est une particule, et la vraie répartition est la suivante.

vraie bombe en M1

Résultat des courses : si on détecte un photon en D1, alors on est sûr qu'on a une vraie bombe, et sans l'avoir touchée ! On pourra donc trier ¼ des vraies bombes, une moitié des bombes auront explosées, et dans un quart des cas de vraies bombes, on ne saura pas.

On pourra toujours tenter sa chance une seconde fois. Puis une troisième fois, etc… au final on aura trié 1/3 des vraies bombes.

À noter : avec des montages un peu plus sioux, on peut arriver à monter le tri à presque à 100%.

Mais ça reste suspect

Amusant, non ? Mais on n'est plus à ça près concernant le comportement des photons ou autres particules. Il existe des montages réels montrant ce genre de choses -évidemment pas avec des vraies bombes, mais avec un détecteur que l'on active ou non. Cela revient au même, c'est toujours le coup de "l'observateur", en réalité une interaction avec le photon qui effondre la fonction d'onde.

Magique.

Tellement magique que tout cela en devient suspect, il y a un loup quelque part. Quand même, on écarte vite fait le coup du chat de Schrödinger avec des histoires de décohérence, et là, le niveau quantique parvient à avoir un effet macroscopique direct, étonnant non ? Mais bon, je vois le mal partout.

A mon avis, le loup est dans le miroir, qui se comporte de la même manière, que ce soit une vraie ou une fausse bombe, le chemin optique n'est jamais brisé, tout ça parce que lorsque le photon arrive sur le miroir, alors il faut un certain temps pour que la bombe se déclenche et brise le miroir, la réflexion aura eu le temps de marcher normalement. D'ailleurs sur le dessin de la bombe qui pète, le dessinateur a laissé la réflexion du photon, quel âne…

Le coup du chat, pareil

Prenez deux boites, mettez un chat dans une des deux boites. Si vous ouvrez une des deux boites et que le chat n'est pas dedans, alors vous savez que le chat est dans l'autre boite. Et sans l'avoir touchée. Une chance sur 2.