Intro à la mécanique quantique
Par où passent les photons ?

Sans blague ? Si on regarde une expérience, alors elle serait perturbée ? A l'insu de mon plein gré ?

Ben évidemment, puisqu'on la regarde : il a bien fallu faire une interaction quelconque pour obtenir une information, ce qui est certainement perturbant. En tout cas, ce n'est plus la même expérience !

Nous allons regarder d'un peu plus près cette histoire d'observateur où souvent les gens glosent sans bien saisir ce qui se passe.

Vous avez dû remarquer que dans toutes les expériences précédentes, on n’a pas cherché à « voir » passer devant nous la particule, ce qui serait un test logique à faire pour savoir où elle passe vraiment, d'un côté ou de l'autre.

Peut-on mettre un « observateur » qui va nous dire si une particule passe devant son nez ?

Eh bien ce n’est pas si simple, car il faut pouvoir le détecter sans pour autant modifier la particule en question, sinon on aura du mal à conclure.

Un électron diffuse la lumière

Il se trouve que lorsqu'on place un faisceau de lumière sur la route d’un électron, alors celui-ci diffuse la lumière. Autrement dit, ça se voit quand il passe. Voilà qui semble intéressant !

Donc on tente l’expérience des fentes d’Young avec des électrons en ajoutant une source de lumière et un détecteur adéquat. Ça, on sait faire, et on pourra même savoir par quel trou il est passé.

Young electron

Quand on tente cette expérience, le détecteur voit les électrons passer, et la figure d’interférence disparait.

On en conclut ─rapidement─ que le fait d'avoir observé a perturbé l'expérience. Et souvent, les gens prennent le raccourci que c'est l'humain, en regardant, qui a mis le bazar, mais bon, c'est stupide comme raisonnement.

Regardons d'un peu plus près.

😔 Forcément, l’intensité lumineuse est bien trop forte, ça perturbe l’électron !
Qu’à ne cela tienne, réduisons l’intensité « au minimum de détection ».

Dans ce cas, si on détecte l’électron, alors on n’a plus de figure d’interférence non plus, même quand on arrive à envoyer les photons pour la détection un par un (enfin, c’est ce qu’on pense, rappelez-vous qu’un photon est une onde ou une particule quand ça lui chante).

Si on ne détecte rien, la figure d’interférence revient.

La diffusion élastique (=sans perte d’énergie) d’un photon sur un électron le perturbe, visiblement c’est le mot qui convient

😒 Mais oui, mais vous vous y prenez comme des manches. Il faut réduire l’énergie du photon pour ne pas perturber ce pauvre électron.
OK, Réduisons.

Pour ça, il suffit de diminuer sa fréquence (ou augmenter sa longueur d’onde c’est pareil). Donc on réduit la fréquence, au lieu de prendre des photons bleus, on va prendre des rouges.

Résultat : même cinéma. Dès que je détecte l’électron, alors ce n’est plus une onde.

Il est fort le bestiau, car il sait à l’avance s’il sera détecté, et s’arrange pour passer aussi de l’autre côté pour se comporter comme une onde.

Longueur d'onde

Mais c’est pire.

Si on réduit beaucoup la fréquence, autrement dit on augmente la longueur d’onde, alors il se passe un phénomène étrange. Il arrive un moment où on n’observe plus qu’un éclair indistinct qui ne nous permet plus de savoir par quel trou l’électron est passé ! Il est certainement passé, mais par où ? Et à ce moment-là, la figure d’interférence revient !

Cela arrive précisément au moment où la longueur d’onde de la lumière devient plus grand que l’espacement entre les fentes.

😁 Ah ben tiens ! Ça c’est nettement moins étrange.

On constate simplement que l’on n’arrive plus à localiser spatialement notre onde par rapport aux fentes, et du coup, pas moyen de savoir par où ça passe.

Diantre.

Interprétation

Ces résultats sont parfois souvent transformés sous la forme de « l’observateur modifie le comportement ». Ou encore « si je sais par quel chemin la particule est passée, alors je modifie son comportement », une conclusion que je trouve personnellement débile: l’observateur humain n’a rien à voir dans l’histoire.

Ce n’est pas parce que je regarde que ça change : c’est juste une conclusion, pas une cause, plutôt du genre « quand ça se comporte comme une particule, alors je peux savoir où elle passe », et forcément, puisque c’est une particule.

Mais quand même, c’est très fort.

Quelque part, l’électron « englobe » l’espace autour des deux fentes, et c’est le même cinéma pour le photon, qui, s’il n’est pas « assez court » comprenez : la longueur d’onde trop grande devant l’espace des fentes, ne sait pas trop où il est on verra les histoires d’incertitude plus tard, et du coup, « rate » l’électron, qui n’est plus perturbé, il s’en fout, quand ce photon trop court saura où il est, on en reparlera pour interagir (évidemment jamais).

Du coup, on finit par donner des explications de ce genre qui occultent les détails et est commode pour faire des dithyrambes sur le sujet.

Observateur perturbe la mesure
Quel dessin misérable et trompeur,
sous des couverts scientifiques avec des ondes

Vous pouvez aussi regardez ce film, qui enfonce le clou:

Autrement dit, tant que je ne regarde pas ce qui se passe, ça se comporte comme une onde, mais si jamais j’observe, ça se comporte comme une particule.

Et là, on part en courant, ça semble du délire. « La Lune existe même si je ne la regarde pas ! » pour citer un homme célèbre. Encore que, quand on regarde son conjoint ou sa conjointe, on a un regard attendri, mais si ça se trouve, quand on ne regarde pas…

On retiendra quand même une chose: visiblement, il existe une corrélation parfaite entre « je sais où est passé la particule » et « l’onde-particule se comporte comme une particule » c’est un peu évident dit comme ça, non ? Et souvent les gens utilisent ce raccourci pour en parler. Eh bien sûr que je le sais, puisque j’ai utilisé un détecteur, donc j’ai interagi et probablement détruit/modifié son état quantique…

Allez fini de râler, j’arrête mes sarcasmes.

Quantum finish

Le plus étrange est cette capacité de prédiction de notre électron pour savoir s’il sera détecté. Ça ressemble d’ailleurs aux histoires d’intrication qu’on verra plus loin. Et il existe évidemment un lien avec le malheureux chat.

De Schödinger.